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— Sur laquelle les lois font bien de ne pas trop tabler, n’est-ce pas ? — Je voudrais, dans mon livre, ne recourir à la vertu qu’en dernier ressort. Léon Blum qui ne fait point appel à la vertu, mais cherche le moindre inconvénient social, s’indigne de l’état où la prostitution, avec la complaisance des lois, ravilit la fille soumise. Je crois que nous pouvons nous en attrister avec lui.

— Sans compter le danger pour la salubrité publique, aussitôt que cette prostitution échappe à l’écœurante ingérence de l’État.

— C’est pourquoi Blum propose de diriger vers les jeunes filles, j’entends les plus honnêtes, celles qui bientôt seront épouses et mères, l’inquiétude et l’excès de nos appétits masculins.

— Oui, je sais que cela m’a paru proprement monstrueux et m’a laissé douter s’il avait jamais fréquenté dans la vraie société française ou seulement parmi des Levantins.

— Je crois en effet que plus d’un catholique hésiterait à épouser une enfant dont un juif aurait fait le préalable apprentissage. Mais si vous protestez également à chaque solution qu’on propose…

— Allons, dites la vôtre, que déjà je frémis d’entrevoir.

— Elle n’est pas de mon invention. C’est celle même qu’avait préconisée la Grèce.

— Parbleu ! nous y voilà.

— Je vous supplie de m’écouter avec calme. Je ne puis me retenir d’espérer qu’entre gens de même formation, de même culture, on puisse toujours à peu près s’entendre, malgré toute différence foncière de tempérament. Depuis votre plus tendre enfance on vous instruisit comme