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niennes, comme aussi l’on voit les peuplades belliqueuses particulièrement enclines à l’homosexualité.

Il hésita quelques instants, puis brusquement :

— Vous êtes-vous jamais demandé pourquoi, dans le Code Napoléon, aucune loi ne tend à réprimer la pédérastie ?

— C’est peut-être, dis-je interloqué, que Napoléon n’y attachait pas d’importance, ou qu’il comptait que notre répugnance instinctive y suffirait.

— C’est peut-être aussi que ces lois eussent d’abord gêné certains de ses généraux les meilleurs. Répréhensible ou non, ces mœurs sont si loin d’être amollissantes, sont si près d’être militaires, que je vous avoue que j’ai tremblé pour nous, lors de ces retentissants procès d’outre-Rhin, que n’a pu parvenir à étouffer la vigilance de l’empereur ; et, déjà peu avant, lors du suicide de Krupp. Certains, en France, ont eu la naïveté de voir là des indices de décadence ! tandis que je pensais tout bas : défions-nous d’un peuple dont la débauche même est guerrière et qui réserve la femme au soin de lui donner de beaux enfants.

— Devant l’inquiétante décroissance de la natalité, en France, permettez-moi de penser que ce n’est guère le moment d’incliner les désirs (si tant est qu’on le puisse) dans la direction que vous dites. Votre thèse est pour le moins inopportune. La repopulation…

— Quoi ? Vous croyez vraiment qu’il va naître beaucoup d’enfants de toutes ces provocations à l’amour ? Vous croyez que toutes ces femmes, qui se proposent en amoureuses, vont