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femme acariâtre, il la quitta et se jeta dans d’infâmes débauches ». Du reste, le chant qui précède semble bien avoir trait également à cette même classe de pécheurs ; et c’est peut-être pourquoi Dante reste si chastement imprécis. D’un medesmo peccato al mondo lerci, se contente-t-il de dire, et tous dans le monde souillés d’un même péché — en parlant de cette troupe dont fait partie Brunetto Latini, son maître ; de cette troupe dont « Ser Brunetto » lui dira : « Sache, en somme, que tous furent clercs et grands lettrés et de grande renommée[1] », lorsque Dante lui demandera de lui désigner « li suoi compagni piu noti e piu sommi ».

Madame Espinasse-Mongenet, dans son excellente traduction de l’Enfer, croit également que les deux chants XV et XVI parlent de « ceux qui firent violence à la nature ». Mais, cherchant ce qui différencie la troupe suivante de celle dont Brunetto Latini fait partie, la traductrice hésite et doute si c’est la nature du péché commis. « Il se peut aussi », ajoute-t-elle, « que les âmes soient groupées suivant la profession qu’elles eurent dans ce monde : d’une part les clercs et les hommes de lettres (sodomites dont il est question dans le chant XV) ; de l’autre, les guerriers et les hommes d’État (sodomites du chant XVI) ». Et voici, de cette dernière troupe, les trois damnés qui s’empressent vers Dante : C’est Guido Guerra qui « fit de grandes choses avec sa prudence et avec son épée » — et Madame Espinasse ajoute en note : « Fier et valeureux soldat et sage conseiller. » Puis : « Tegghiajo Aldobrandi, dont la voix, dans le monde, là-

  1. Je cite d’après la traduction de Lamennais. (Chant XV, p. 55)