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haut, aurait dû être écoutée et obéie » ; et une note de Madame Espinasse ajoute : « Valeureux chevalier, homme agréable et sage, accompli dans les armes, digne de foi. » Puis : Jacopo Rusticucci, « vaillant soldat, riche et bon Florentin, homme d’un grand sons politique et moral », dit Madame Espinasse.

Tels sont les homosexuels que Dante nous présente.

Et, que si l’on se refuse à reconnaître dans ces damnés des chants XV et XVI la sorte de pécheurs qui nous occupe, n’admettant pas que Dante ait pu leur faire la part si belle, il faudrait alors reconnaître que Dante ne jette pas Sodome en enfer, la réservant au chant XXVI du Purgatoire. Ici plus aucun doute possible ; Dante précise à deux reprises le péché de ceux à qui ses premières paroles sont : « Ô âmes sûres un jour de reposer en paix[1]. » Et, de nouveau, ces âmes pécheresses sont celles de poètes de grand renom au temps de Dante.

L’importance que Dante reconnaît à ceux-ci, quand ce ne serait que par la place qu’il leur accorde, la cortesia, pour reprendre son mot, avec laquelle il estime qu’il convient de parler d’eux, et l’extraordinaire indulgence dont il fait preuve à leur égard, s’expliquent peut-être un peu par le sentiment que Virgile lui-même, « tu duca, tu signor et tu maestro », après l’avoir quitté, irait rejoindre cette troupe[2]. À moins

  1. Aussi bien ces âmes se sont-elles repenties avant leur mort, ainsi que toutes celles que Dante fait figurer au Purgatoire.
  2. Il est question, dans ce chant, de deux troupes que Dante mêle et puis sépare : ceux qui vont criant : « Sodome et Gomorrhe ! » et ceux qui crient : « Dans la vache de bois entre Pasiphaé, pour que le taureau coure à sa luxure », et