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d’une voix chuchotante. L’Immoraliste peut troubler, Saül, point.

3. Je connais le passage de La Divine Comédie auquel vous vous reportez, et toujours m’avait frappé la déférence avec laquelle Dante, il est vrai, parle de cette sorte de gens, « tous dans le monde souillés d’un même péché ». J’ai, dans le chapitre consacré à Wilde, rappelé (p. 170) la place que le poète leur assigne dans son Enfer ; mais il est exact que j’ai omis de mentionner sa grande « courtoisie » à leur égard. Peut-être, n’appartenant pas moi-même à leur troupe, ai-je été enclin à retenir que Dante les parquait dans son Enfer plutôt que de lui savoir gré des politesses que, néanmoins, il leur fait. Un des leurs, au contraire, écrivant en mon lieu, aurait sans doute oublié la damnation et insisté sur les paroles obligeantes qui relèvent à ses yeux la caste proscrite. Mais, vous me faites aussi remarquer que le « poète justicier » a mis également dans son Purgatoire des âmes coupables de la même erreur. Cela, j’avoue que je l’ignorais. Au surplus, je n’ai eu, à aucun moment, le souci d’être complet dans mes références historiques ou littéraires. J’ai même fui, de propos délibéré, l’excès de documentation qui m’eût porté vers un autre écueil : celui de fournir à de malsaines curiosités une petite encyclopédie de la matière. Enfin, parmi ceux qui nous occupent, il en est dont j’ai parlé moi-même avec infiniment de « cortesia ». On ne peut donc me soupçonner d’avoir pris soin de dissimuler l’attitude de Dante comme une indulgence susceptible de redonner du prestige à ceux que je visais ; Vous ne le dites d’ailleurs point, ni, j’en suis sûr, ne le pensez.