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— Ces questions de mœurs vous occupent beaucoup ?

— Passablement, je l’avoue ; je prépare également un assez important travail sur ce sujet.

— Les travaux de MM. Moll, Krafft-Ebing, Raffalovich, etc. ne vous suffisent donc pas !

— Ils n’ont pas su me satisfaire ; je voudrais parler de cela différemment.

— J’ai toujours pensé qu’on se trouvait bien à parler le moins possible de ces choses et que souvent elles n’existent que parce qu’un maladroit les divulgue. Outre qu’elles sont inélégantes à dire, quelques mauvais garnements seront là pour prendre en exemple précisément ce que l’on prétendait blâmer.

— Je ne prétends pas blâmer.

— Le bruit court que vous posez pour tolérant.

— Vous ne m’entendez point. Je vois qu’il faut vous dire le titre de mon ouvrage.

— Allez-y.

— C’est une Défense de la Pédérastie que j’écris.

— Pourquoi pas Éloge, pendant que vous y êtes ?

— Ce titre forcerait ma pensée ; déjà je crains que dans le mot Défense, certains ne voient une sorte de provocation.

— Et vous oserez publier cela ?

— Non ; je n’oserai pas, fit-il sur un ton plus grave.

    poésie de Whitman. Je connais peu de traductions qui trahissent mieux leur auteur… mais ceci nous entraînerait trop loin, et dans un autre domaine.