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Page:Gide - Corydon, 1925.djvu/23

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la boue que certains nous jettent n’éclabousse à la fois quelques autres qui nous sont chers. Le scandale désolerait ma mère ; je ne me le pardonnerais pas. Ma jeune sœur vit avec elle et n’est pas encore mariée. Peut-être se trouverait-il malaisément quelqu’un qui m’accepterait pour beau-frère.

— Eh ! parbleu ! je vous saisis bien ; vous avouez donc que ces mœurs déshonorent même celui qui ne fait que les tolérer.

— Ce n’est pas un aveu ; c’est une constatation. Voilà bien pourquoi je souhaite à cette cause des martyrs.

— Vous entendez par le mot… ?

— Quelqu’un qui irait au-devant de l’attaque ; qui, sans forfanterie, sans bravade, supporterait la réprobation, l’insulte ; ou mieux, qui serait de valeur, de probité, de droiture si reconnues que la réprobation hésiterait d’abord…

— Précisément cet homme-là, vous ne le trouverez pas.

— Laissez-moi souhaiter qu’il se trouve.

— Voyons ! Entre nous, vous le croyez donc bien utile ? Quel changement d’opinion attendez-vous ? J’accorde que vous êtes un peu contraints. Si vous l’étiez un peu davantage, il n’en vaudrait que mieux, croyez-moi ; ces abominables mœurs cesseraient tout naturellement d’exister, pour n’arriver plus à se produire. (Je remarquai qu’il haussait les épaules ; ce qui ne m’empêcha pas d’insister) : Prétendez-vous qu’assez de turpitudes ne s’étalent déjà pas au grand jour ? Je me suis laissé dire que les homosexuels trouvent de-ci de-là de nombreuses facilités. Qu’ils se contentent de celles qui se