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dation, que le mariage sanctifie et par lequel le grand mystère de la vie se perpétue.

— Et passé lequel le geste de l’amour s’émancipe et s’affole, n’est plus qu’une gratuite fantaisie, qu’un jeu. Non, non ! je ne le perds pas de vue ; et c’est sur sa finalité que je veux édifier ma morale. En dehors de lui, rien ne reste que la persuasion du plaisir. Mais déjà réfléchissez que l’acte de procréation est rare et qu’un tous les dix mois suffit.

— C’est peu.

— Très peu ; car la nature propose infiniment plus de dépense ; et… j’ose à peine achever…

— Allez donc ! Vous en avez déjà tant dit.

— Eh bien voici : Je prétends que, loin d’être le seul « naturel », l’acte de procréation, dans la nature, parmi la plus déconcertante profusion, n’est, le plus souvent, qu’un raccroc.

— Parbleu, vous vous expliquerez !

— Volontiers ; mais ici nous entrons dans l’histoire naturelle ; c’est par elle que mon livre commence et que j’aborde mon sujet. Si vous avez quelque patience je m’en vais vous le raconter. Revenez demain. D’ici là j’aurai mis quelque ordre dans mes papiers.