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III

L’androcentrisme, à quoi Lester Ward oppose son gynécocentrisme, est à peine une théorie, ou, si c’en est une, elle est à peu près inconsciente ; l’androcentrisme est l’usage, communément suivi par les naturalistes, qui consiste à considérer le mâle comme le représentant type de chaque espèce animale, à le mettre en avant dans les descriptions qu’on en donne, à ne faire passer la femelle qu’en second.

Or Lester Ward part de ce point qu’au besoin la Nature pouvait se passer du mâle.

— Il est aimable.

— J’ai trouvé dans Bergson, que je sais que vous admirez, une phrase qui répond à votre interjection : La génération sexuée, dit-il dans son Évolution Créatrice, n’est peut-être qu’un luxe pour la plante (page 130). La femelle, elle, est indispensable. L’élément mâle, écrit Lester Ward, fut ajouté à un certain stade… dans le seul but, ajoute-t-il sagacement, d’assurer le croisement des germes héréditaires. La création de l’élément mâle a été le premier jeu, le premier sport de la nature.

— Enfin, sport ou pensum, le mâle est là ; où prétend le reléguer votre gynécocentriste ?

— Force m’est de prendre sa pensée par tous les bouts à la fois. Tenez ! je crois que ce passage vous éclairera le pourquoi de la théorie.

Il prit un feuillet et lut :

La couleur normale des oiseaux est celle des petits et de la femelle ; la couleur du mâle est le résultat de son excessive variabilité. Les femelles