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ne peuvent pas varier ainsi, elles représentent le centre de gravité du système biologique. Elles sont ce « pouvoir obstiné de permanence » dont parle Gœthe. La femelle non seulement est le type de la race, mais encore, toute métaphore à part, elle est la race[1].

— Je ne vois rien là de bien curieux.

— Écoutez un autre passage : Le changement, ou progrès, comme on peut l’appeler, s’est produit exclusivement chez le mâle, la femelle ne subissant pas de modification. C’est pourquoi l’on dit si souvent que la femme représente l’hérédité et le mâle la variation. Et Ward cite la phrase de W. K. Brooks que voici : L’ovum est le milieu matériel par lequel la loi de l’hérédité se manifeste tandis que l’élément mâle est le véhicule par lequel de nouvelles variations sont ajoutées[2]. Excusez le style : je n’en suis pas responsable.

— Allez toujours ! Je n’y prête plus attention dès que ce que l’on dit m’intéresse.

— Ward prétend inférer de tout cela la supériorité de l’élément femelle. L’idée que le sexe féminin est naturellement et réellement le sexe supérieur paraît incroyable, écrit-il, et seuls les plus libéraux et les plus émancipés, possédant de sérieuses connaissances biologiques, sont capables de s’en rendre compte. Laissons-le dire. Si je me refuse à « me rendre compte de cela, c’est que l’idée de supériorité me paraît peu philosophique. Il me suffit de bien comprendre cette différenciation des rôles, et je suppose que vous la comprenez comme moi.

  1. Lester Ward : Sociologie pure, t. II, p. 28 (traduction René Worms).
  2. Loc. cit.