Page:Gide - Corydon, 1925.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
61

sept[1]. Car cette prodigalité dans le nombre des œufs n’implique nullement la grande diffusion de l’espèce en faveur de laquelle elle s’exerce ; elle semble souvent au contraire impliquer une difficulté de réussite proportionnelle à la prodigalité déployée. Mais, dit plus loin Darwin, aucune erreur n’est plus répandue chez les naturalistes que celle-ci, à savoir : que le nombre des individus d’une espèce dépend de la puissance de propagation de cette espèce[2]. Il est permis de supposer qu’avec quelques cents d’œufs de moins, l’espèce doris se serait éteinte.

Darwin parle ailleurs de ces nuées de pollen que le vent enlève aux conifères qu’il secoue, de « ces épaisses nuées de pollen, pour que quelques grains seulement puissent tomber par hasard sur les ovules ». Si l’on prêtait au grain de pollen un instinct qui le guidât vers l’ovule, rien n’expliquerait, rien n’excuserait une profusion pareille. Mais, peut-être, avec une moindre proportion de l’élément mâle, le mystérieux acte de la fécondation fût-il resté par trop chanceux[3].

La surabondance à peu près constante de l’élément mâle[4] dans la nature, ne trouverait-elle donc pas son explication, sa raison d’être, dans quelque indécision de l’instinct sexuel (si pourtant j’ose accoler ces deux mots : indécision et instinct) ? N’aurons-nous pas à constater tout à l’heure que l’impérativité de cet instinct

  1. Voyage d’un naturaliste, p. 216.
  2. Voyage d’un naturaliste, p. 216.
  3. Nous verrons à la fin de cette partie que si, dans quelques espèces, l’instinct se précise, aussitôt la proportion de l’élément mâle décroît.
  4. « Les mâles semblent infiniment plus nombreux que les femelles et il est probable qu’il n’y en a pas plus d’un sur cent