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— Il reste une entreprise hardie. Deux éléments sont là : mâle et femelle, qu’il s’agit de conjoindre ; et cela sans autre argument que celui de la volupté. Mais pour obtenir la volupté cette conjonction des deux sexes n’est pas indispensable. Sans doute le mâle est nécessaire pour féconder la femelle ; mais la femelle n’est pas indispensable pour donner contentement au mâle. Et ce fameux « instinct sexuel » peut bien dicter à l’animal l’automatisme par lequel s’obtiendra la volupté, mais son indication est si flottante que, pour obtenir à la fois la procréation, la Nature devra recourir à d’aussi subtiles ruses, parfois, que pour les aventureuses fécondations des orchidées.

— Vous reparlez en finaliste.

— Permettez : la création est là ; je ne sais si elle pouvait ne pas être ; mais elle est. Il ne s’agit que de l’expliquer avec le moins de frais possible. Nous avons devant nous des races d’êtres que la reproduction perpétue, qui ne peuvent se reproduire que par la fécondation. C’est, dis-je, une entreprise difficile ; la partie est témérairement engagée et les chances de déconvenue sont si redoutables que ce surnombre des mâles était sans doute nécessaire pour parer au nombre des fiascos.

— Vous voyez bien que l’intention de la Nature reparaît.

— Ma métaphore vous a trompé. Il y a peut-être un Dieu ; il n’y a pas d’intention dans la Nature ; je veux dire que, s’il y a intention, elle ne peut être que de Dieu. Il n’y a pas d’intention dans la volupté, qui seule invite au geste par lequel la procréation sera possible ; mais qu’elle ait ou non précédé ou suivi la tendance,