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homosexuels précisément chez l’espèce dont ils s’occupent ; et chacun de ces modestes « observateurs », bornant sa vue à l’espèce qu’il étudie, y constatant ces mœurs, les croit devoir tenir pour une exception monstrueuse. « Les pigeons paraissent spécialement (!) portés à la perversion sexuelle, à en croire M. J. Bailly, maître-éleveur compétent et bon observateur[1] », lit-on dans Havelock Ellis ; et Muccioli, « savant italien qui fait autorité pour les pigeons (!), affirme que les pratiques d’inversion se constatent chez des pigeons de carrière belges (!) même en présence de beaucoup de pigeonnes ».

— Eh quoi ! Les Deux Pigeons de La Fontaine ? !…

— Pigeons français, rassurez-vous. Tel autre observe ces mêmes mœurs chez les canards, étant éleveur de canards. Lacassagne, s’occupant des poulets, les observe chez les poulets. N’était-ce pas chez les perdreaux que Bouvard ou Pécuchet prétendait les surprendre ?… Oui, rien de plus bouffon que ces observations timorées, sinon l’instruction que certains en tirent, ou simplement l’explication qu’ils en donnent. Le Docteur X, ayant constaté la grande fréquence des accouplements entre mâles chez les hannetons, argue pour excuser ces turpitudes :

— Oui, ce que je vous disais tout à l’heure : seul le mâle qui vient de copuler, encore tout

  1. Ces faits ont été si souvent remarqués que dans le désuet Dictionnaire de la Vie pratique de Belèze, nous lisons déjà, à l’article Pigeon : « Il arrive parfois que la couvée qui doit former le couple (?) se trouve composée de deux mâles ou de deux femelles, on s’aperçoit de la présence de deux femelles parce qu’elles font deux pontes dont les œufs sont clairs, et de celle de deux mâles parce qu’ils troublent le colombier. » (!?)