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réussi ? Je l’espère ; je ne saurais l’affirmer, étant faillible autant qu’un autre. Les réponses que m’a murmurées ou criées la Nature, je demande qu’on les vérifie. Je n’en veux retenir que ceci, c’est que, l’ayant interrogée avec une préoccupation différente, elle m’a répondu différemment[1].

— Ne pourrait-on l’interroger sans préoccupation aucune ?

— Sur ce sujet principalement cela me paraît difficile. Sainte-Claire Deville, par exemple, dit avoir observé que des boucs, des béliers ou des chiens, internés à l’écart des femelles, s’agitent, s’excitent entre eux « d’une excitation sexuelle qui ne dépend plus des lois du rut et qui les pousse à s’accoupler ». Vous remarquerez, je vous prie, cet exquis euphémisme : « qui ne dépend plus des lois du rut » ! Sainte-Claire Deville ajoute : « Il suffit d’amener une femelle pour ramener toute chose dans l’ordre. » En est-il vraiment sûr ? et l’a-t-il vraiment observé ? Il en est convaincu, ce qui n’est pas du tout la même chose… Cet exemple est extrait d’un rapport à l’Académie des Sciences Morales, sur « l’internat et son influence sur l’éducation de la jeunesse ». Est-ce en savant qu’il parle ? ou n’est-ce pas en pédagogue seulement ? Enfin cette femelle de salut qu’il amène dans le chenil ou l’étable en rupture des « lois du rut », toujours est-il qu’il faut qu’elle soit en chaleur ; nous savons que, sinon, les mâles ne s’approcheront pas d’elle ; et, quand au lieu d’une

  1. Quelles observations pouvaient paraître plus indéterminées, plus probes que celles du patient Fabre sur les cerceris ; observations complètement infirmées ou du moins rétorquées aujourd’hui par Marchal.