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femelle on leur en amènerait vingt, c’est entre eux et sans souci des femelles qu’ils continueraient leurs pourchas.

— Sainte-Claire Deville a peut-être mal observé depuis le début.

— Laissez donc ! homme pusillanime. Sainte-Claire Deville a fort bien remarqué d’abord l’activité homosexuelle de ces animaux ; mais à partir de là commence son invention flagrante ; s’il avait consenti à pousser son investigation plus loin, il eût pu constater que l’intervention d’un ou de plusieurs individus de l’autre sexe ne suffit nullement à « ramener toute chose dans l’ordre », fors une semaine à peu près dans l’année, où ces femelles sont provocantes ; et que, le reste du temps, ces jeux homosexuels continuent « même en présence de beaucoup de femelles », comme disait Muccioli.

— Sans doute appelez-vous jeux lascifs les ébats les plus innocents.

— Bien que ces jeux soient des plus significatifs, l’on peut dire que ces animaux ne trouvent pas, ou que très rarement, dans l’homosexualité, une satisfaction complète. Combien n’est-il donc pas impérieux le désir qui les y précipite quand même.

— Sans doute savez-vous, avançai-je imprudemment, que les chiennes non plus ne se prêtent pas toujours volontiers, même lorsqu’elles sont en chaleur. La chienne dont tout à l’heure je vous parlais est de race ; j’en voulais avoir des petits ; à grand-peine me procurai-je un mâle assorti, mais quand il fallut les parier, que d’arias ! La chienne d’abord se dérobait ; le mâle s’épuisait en maladroits efforts ; puis, paraissait-elle docile, le mâle était tout rebuté…