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vient pas seulement de la maladresse du mâle ; la femelle, de son côté, devient rétive et se dérobe ; on est souvent forcé de la tenir. De cette appréhension remarquable, on a donné deux explications : la première consiste à prêter à l’animale les humains sentiments de Galathée attisant les désirs du mâle par une feinte fuite amoureuse ; la seconde consiste à prêter à Galathée les sensations de l’animale qui désire et redoute à la fois…

— Ne nous paraît-il pas que ces deux explications se confondent ?…

— Je vous jure que certains semblent ne s’en être pas aperçus ; et c’est pour l’opposer à la première que M. de Gourmont propose une fois de plus la seconde.

— Vous en avez sans doute une troisième ?

— Que voici : C’est que l’instinct sexuel est aussi indécis chez la femelle que chez le mâle… Oui, la femelle ne se sentira complète que fécondée ; mais si elle appète la fécondation par un besoin secret des organes, c’est vaguement la volupté, non point précisément le mâle, qu’elle désire ; tout comme le mâle, de son côté, ne désire pas précisément la femelle, encore moins « la procréation », mais simplement la volupté. L’un et l’autre cherchent à jouir tout bonnement.

Et voilà pourquoi tout à la fois nous voyons si souvent la femelle et fuir le mâle et pourtant s’offrir au plaisir, et enfin revenir au mâle qui seul le lui pourra procurer. Je conviens que la volupté complète ils ne la puissent éprouver que l’un par l’autre (du moins la femelle que par le mâle) et que leurs organes ne trouveront leur parfait emploi que dans le coït ; mais il semble