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deux éléments mis en jeu. Pour répondre à coup sûr à la proposition momentanée de la femelle, il met en face d’elle le désir permanent du mâle. Le mâle est tout gratuité, disiez-vous ; la femelle toute prévoyance. Les seuls rapports hétérosexuels (des animaux) sont en vue de la fécondation.

— Et le mâle ne se contente pas toujours de ceux-là.

— Depuis quelques instants nous perdons de vue votre livre. De cette première partie tirez-vous quelques conclusions ?

— Celle-ci que j’adresse aux finalistes : Malgré cette surabondance à peu près constante de l’élément mâle, s’il faut à la Nature tant d’expédients et d’adjuvants pour assurer la perpétuation de la race, nous étonnerons-nous qu’il faille tant de contraintes, et tant de sortes, pour arrêter l’espèce humaine sur la pente de ces mœurs que vous avez décrétées « anormales » ; et tant de conseils, d’exemples, d’invitations, d’incitations, d’excitations, et de tant de sortes, pour maintenir au coefficient voulu l’hétérosexualité humaine.

— Accordez-moi donc que cette contrainte d’une part, que cette excitation de l’autre, ont du bon.

— Je vous l’accorde jusqu’à demain, où nous examinerons, non plus zoologiquement, mais humainement la question, et étudierons si, peut-être, répression et excitation n’ont pas quelque peu dépassé la mesure. Mais, en revanche, veuillez à votre tour reconnaître que les goûts homosexuels ne vous paraissent plus aussi contraires à la Nature que vous les prétendiez ce matin. Je n’en demande pas plus aujourd’hui.