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— J’ai beaucoup réfléchi depuis hier, dis-je à Corydon, en entrant. Permettez-moi de vous demander si vous croyez bien fermement à cette théorie que vous m’exposiez ?

— Du moins suis-je bien convaincu de la réalité des faits qui la motivent. Quant à prétendre que l’explication que j’en offre soit la seule possible ou la meilleure, loin de moi cette présomption. Mais oserai-je ajouter qu’à mon avis cela n’a pas grande importance. Je veux dire que l’importance d’un nouveau système proposé, d’une nouvelle explication de certains phénomènes, ne se mesure point uniquement à son exactitude, mais bien aussi, mais bien surtout, à l’élan qu’elle fournit à l’esprit pour de nouvelles découvertes, de nouvelles constatations (dussent ces dernières infirmer la dite théorie) aux routes qu’elle ouvre, aux empêchements qu’elle lève, aux armes qu’elle fournit. Il importe qu’elle propose le neuf et qu’à la fois elle s’oppose au vieux. Il peut nous paraître aujourd’hui que, sur sa base même, toute la théorie de Darwin chancelle ; nierons-nous pour cela que le Darwinisme entraîna la science plus