Page:Gide - Corydon, 1925.djvu/9

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

PRÉFACE

Mes amis me répètent que ce petit livre est de nature à me faire le plus grand tort. Je ne pense pas qu’il puisse me ravir autre chose à quoi je tienne ; ou mieux : je ne crois pas tenir beaucoup à rien de ce qu’il m’enlèvera : applaudissements, décorations, honneurs, entrées dans les salons à la mode, je ne les ai jamais recherchés. Je ne tiens qu’à l’estime de quelques rares esprits, qui, je l’espère, comprendront que je ne l’ai jamais mieux méritée qu’en écrivant ce livre et qu’en osant aujourd’hui le publier. Cette estime, je souhaite de ne pas la perdre ; mais certainement, je préfère la perdre que la devoir à un mensonge, ou à quelque malentendu.

Je n’ai jamais cherché de plaire au public ; mais je tiens excessivement à l’opinion de quelques-uns ; c’est affaire de sentiment et rien ne peut contre cela. Ce que l’on a pris parfois pour une certaine timidité de pensée, n’était le plus souvent que la crainte de contrister ces quelques personnes ; de contrister une âme, en particulier, qui de tout temps me fut chère entre toutes. Qui dira de combien d’arrêts, de réticences et de détours est responsable la sympa-