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ISABELLE

dans le salon, près de mes hôtes, mais à eux s’adjoignait une société dont le nombre incessamment croissait, bien que je ne visse point précisément arriver de personnes nouvelles ; je reconnaissais Casimir assis à la table devant un jeu de patience vers lequel trois ou quatre figures se penchaient. On parlait à voix basse, de sorte que je ne distinguais aucune phrase, mais je comprenais que chacun signalait à son voisin quelque chose d’extraordinaire et dont le voisin à son tour s’étonnait ; l’attention se portait vers un point, là près de Casimir, où tout à coup, je reconnus, assise à table (comment ne l’avais-je pas distinguée plus tôt ?) Isabelle de Saint-Auréol. Seule parmi les costumes sombres, elle était vêtue tout en blanc. D’abord elle m’apparut charmante, assez semblable à ce que la montrait le médaillon ; mais au bout d’un instant j’étais frappé par l’immobilité de ses traits, la fixité de son regard, et soudain je comprenais ce que l’on se chuchotait à l’oreille : ce n’était pas là la véritable