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Page:Gide - Isabelle.djvu/131

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Isabelle, mais une poupée à sa ressemblance, qu’on mettait à sa place durant l’absence de la vraie. Cette poupée à présent me paraissait affreuse ; j’étais gêné jusqu’à l’angoisse par son air de prétentieuse stupidité ; on l’eût dite immobile, mais, tandis que je la regardais fixement, je la voyais lentement pencher de côté, pencher… elle allait chavirer, quand Mademoiselle Olympe, s’élançant de l’autre extrémité du salon, se courba jusqu’à terre, souleva la housse du fauteuil et remonta je ne sais quel rouage qui faisait un grincement bizarre et remettait le mannequin d’aplomb en communiquant à ses bras une grotesque gesticulation d’automate. Puis chacun se leva, l’heure étant sonnée du couvre-feu ; on allait laisser la fausse Isabelle là seule ; en partant chacun la saluait à la turque, excepté le baron qui s’approcha irrévérencieusement, lui saisit à pleine main la perruque et lui appliqua sur le sinciput deux gros baisers sonores en rigolant. Dès que la société avait achevé de déserter le salon — et