Page:Gide - L’Immoraliste.djvu/105

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J’étais furieux contre cet homme ; à sa première insulte, je m’élançai et brutalement le jetai bas de son siège. Je roulai par terre avec lui, mais ne perdis pas l’avantage ; il semblait étourdi par sa chute, et bientôt le fut plus encore par un coup de poing que je lui allongeai en plein visage quand je vis qu’il voulait me mordre. Pourtant je ne le lâchai point, pesant du genou sur sa poitrine et tâchant de maîtriser ses bras. Je regardais sa figure hideuse que mon poing venait d’enlaidir davantage ; il crachait, bavait, saignait, jurait, ah ! l’horrible être ! Vrai ! l’étrangler paraissait légitime — et peut-être l’eussé-je fait… du moins je m’en sentis capable ; et je crois bien que seule l’idée de la police m’arrêta.

Je parvins, non sans peine, à ligoter solidement l’enragé. Comme un sac je le jetai dans la voiture.

Ah ! quels regards après, et quels baisers nous échangeâmes. Le danger n’avait pas été grand ; mais j’avais dû montrer ma force,