Page:Gide - L’Immoraliste.djvu/106

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et cela pour la protéger. Il m’avait aussitôt semblé que je pourrais donner ma vie pour elle… et la donner toute avec joie… Le cheval s’était relevé. Laissant le fond de la voiture à l’ivrogne, nous montâmes sur le siège tous deux, et, conduisant tant bien que mal, pûmes gagner Positano, puis Sorrente.

Ce fut cette nuit-là que je possédai Marceline.

Avez-vous bien compris ou dois-je vous redire que j’étais comme neuf aux choses de l’amour ? Peut-être est-ce à sa nouveauté que notre nuit de noces dut sa grâce… Car il me semble, à m’en souvenir aujourd’hui, que cette première nuit fut la seule, tant l’attente et la surprise de l’amour ajoutaient à la volupté de délices, – tant une seule nuit suffit au plus grand amour pour se dire, et tant mon souvenir s’obstine à me la rappeler uniquement. Ce fut un rire d’un moment, où nos âmes se confondirent… Mais je crois qu’il est un point de l’amour, unique, et que l’âme plus tard, ah ! cherche en vain à dé-