Page:Gide - L’Immoraliste.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

glace et surpris le reflet de votre regard l’épier. Vous aviez vu le vol et vous n’avez rien dit ! Moktir s’est montré fort surpris de ce silence… moi aussi.

– Je ne le suis pas moins de ce que vous me dites : comment ! il savait donc que je l’avais surpris !

– Là n’est pas l’important ; vous jouiez au plus fin ; à ce jeu, ces enfants nous rouleront toujours. Vous pensiez le tenir et c’était lui qui vous tenait… Là n’est pas l’important. Expliquez-moi votre silence.

– Je voudrais qu’on me l’expliquât.

Nous restâmes pendant quelque temps sans parler. Ménalque, qui marchait de long en large dans la pièce, alluma distraitement une cigarette, puis tout aussitôt la jeta.

– Il y a là, reprit-il, un « sens », comme disent les autres, un « sens » qui semble vous manquer, cher Michel.

– Le « sens moral », peut-être, dis-je en m’efforçant de sourire.

– Oh ! simplement celui de la propriété.