Page:Gide - L’Immoraliste.djvu/173

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à son état cette fatigue, je la croyais très naturelle et j’évitais de m’inquiéter. Un vieux médecin assez sot, ou insuffisamment renseigné, nous avait tout d’abord rassurés à l’excès. Cependant des troubles nouveaux, accompagnés de fièvre, me décidèrent à appeler le Docteur Tr. qui passait alors pour le plus avisé spécialiste. Il s’étonna que je ne l’eusse pas appelé plus tôt, et prescrivit un régime strict que, depuis quelque temps déjà, elle eût dû suivre. Par un très imprudent courage, Marceline s’était jusqu’à ce jour surmenée ; jusqu’à la délivrance, qu’on attendait vers la fin de janvier, elle devait garder la chaise longue. Sans doute un peu inquiète et plus dolente qu’elle ne voulait l’avouer, Marceline se plia très doucement aux prescriptions les plus gênantes. Une courte révolte pourtant l’agita lorsque Tr. lui ordonna de la quinine, à des doses dont elle savait que son enfant pouvait souffrir. Durant trois jours, elle refusa obstinément d’en prendre ; puis, la fièvre augmentant,