Page:Gide - L’Immoraliste.djvu/176

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tience. Il était pâle et paraissait un peu crispé. Il me débarrassa de mon manteau, et me força de changer mes bottes mouillées contre de molles pantoufles persanes. Sur un guéridon, près du feu, étaient posées des friandises. Deux lampes éclairaient la pièce, moins que ne le faisait le foyer. Ménalque, dès l’abord, s’informa de la santé de Marceline. Pour simplifier, je répondis qu’elle allait très bien.

– Votre enfant, vous l’attendez bientôt ? reprit-il.

– Dans deux mois.

Ménalque s’inclina vers le feu, comme s’il eût voulu cacher son visage. Il se taisait. Il se tut si longtemps que j’en fus à la fin tout gêné, ne sachant non plus que lui dire. Je me levai, fis quelques pas, puis, m’approchant de lui, posai ma main sur son épaule. Alors, comme s’il continuait sa pensée :

– Il faut choisir, murmura-t-il. L’important, c’est de savoir ce que l’on veut…