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L'IMMORALISTE


Nous commençâmes à parler. Ses propos charmants me ravirent. Je m’étais fait, comme j’avais pu, quelques idées sur la sottise des femmes. Près d’elle, ce soir-là, ce fut moi qui me parus gauche et stupide.

Ainsi donc celle à qui j’attachais ma vie avait sa vie propre et réelle ! L’importance de cette pensée m’éveilla plusieurs fois cette nuit ; plusieurs fois je me dressai sur ma couchette pour voir, sur l’autre couchette, plus bas, Marceline, ma femme, dormir.

Le lendemain le ciel était splendide ; la mer calme à peu près. Quelques conversations point pressées diminuèrent encore notre gêne. Le mariage vraiment commençait. Au matin du dernier jour d’octobre nous débarquâmes à Tunis.


Mon intention était de n’y rester que peu de jours. Je vous confesserai ma sottise : rien dans ce pays neuf ne m’attirait que Carthage et quelques ruines romaines : Timgat, dont Octave m’avait parlé, les mosaïques de Sousse