Page:Gide - L’Immoraliste.djvu/51

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ment de sang. C’était comme je marchais péniblement sur la terrasse ; Marceline était occupée dans sa chambre ; heureusement elle n’en put rien voir. J’avais fait, par essoufflement, une aspiration plus profonde, et tout à coup c’était venu. Cela m’avait empli la bouche… Mais ce n’était plus du sang clair, comme lors des premiers crachements ; c’était un gros affreux caillot que je crachai par terre avec dégoût.

Je fis quelques pas, chancelant. J’étais horriblement ému. Je tremblais. J’avais peur; j’étais en colère. — Car jusqu’alors j’avais pensé que, pas à pas, la guérison allait venir et qu’il ne restait qu’à l’attendre. Cet accident brûlai venait de me rejeter en arrière. Chose étrange, les premiers crachements ne m’avaient pas fait tant d’effet; je me souvenais à présent qu’ils m’avaient laissé presque calme. D’où venait donc ma peur, mon horreur, à présent? C’est que je commençais, hélas ! d’aimer la vie.

Je revins en arriére, me courbai, retrouvai