Page:Gide - La Porte étroite, 1909.djvu/104

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
102
la porte étroite

d’améthystes que je lui avais donnée en souvenir de ma mère, mais que je ne lui avais pas encore vu mettre. Ses traits étaient tirés et l’expression douloureuse de son visage me fit mal.

— Pourquoi viens-tu si tard ? me dit-elle d’une voix oppressée et rapide. J’aurais voulu te parler.

— Je me suis perdu sur la falaise… Mais tu es souffrante… Oh ! Alissa, qu’est-ce qu’il y a ?

Elle resta un instant devant moi comme interdite et les lèvres tremblantes ; une telle angoisse m’étreignait que je n’osais l’interroger ; elle posa sa main sur mon cou comme pour attirer mon visage. Je voyais qu’elle voulait parler ; mais à ce moment des invités entrèrent ; sa main découragée retomba…

— Il n’est plus temps, murmura-t-elle. Puis, voyant mes yeux s’emplir de larmes, et, comme si cette dérisoire explication eût pu suffire à me calmer, répondant à l’interrogation de mon regard :