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la porte étroite

paraissaient immensément désolés… Des chants s’élevèrent ; sans doute un chœur des enfants réunis autour de l’arbre de Noël. Je rentrai par le vestibule. Les portes du salon et de l’antichambre étaient ouvertes ; j’aperçus, dans le salon maintenant désert, mal dissimulée derrière le piano, ma tante qui parlait avec Juliette. Dans l’antichambre, autour de l’arbre en fête, les invités se pressaient. Les enfants avaient achevé leur cantique ; il se fit un silence, et le pasteur Vautier, devant l’arbre, commença une manière de prédication. Il ne laissait échapper aucune occasion de ce qu’il appelait « semer le bon grain ». Les lumières et la chaleur m’incommodaient ; je voulus ressortir ; contre la porte je vis Abel ; sans doute il était là depuis quelque temps. Il me regardait hostilement et haussa les épaules quand nos regards se rencontrèrent. J’allai à lui.

— Imbécile ! fit-il à demi-voix ; puis, soudain : — Ah ! tiens ! sortons ; j’en ai soupé