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la porte étroite

C’est par lui que j’avais appris ce que je n’osais demander à Alissa ni à ma tante : Édouard Teissières était venu très assidument prendre des nouvelles de Juliette ; mais quand Robert avait quitté le Havre, elle ne l’avait pas encore revu. J’appris aussi que Juliette, depuis mon départ, avait gardé devant sa sœur un obstiné silence que rien n’avait pu vaincre.

Puis par ma tante, peu après, je sus que ces fiançailles de Juliette, qu’Alissa, je le pressentais, espérait voir aussitôt rompues, Juliette elle-même avait demandé qu’on les rendît le plus tôt possible officielles. Cette détermination contre laquelle conseils, injonctions, supplications se brisaient, barrait son front, bandait ses yeux et la murait dans son silence…

Du temps passa. Je ne recevais d’Alissa, à qui du reste je ne savais qu’écrire, que les plus décevants billets. L’épais brouillard d’hiver m’enveloppait ; ma lampe d’étude, et toute la ferveur de mon amour et de ma