Page:Gide - La Porte étroite, 1909.djvu/153

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VI


C’est chez la tante Plantier qu’eut lieu notre première rencontre. Je me sentais soudain alourdi, épaissi par mon service… J’ai pu penser ensuite qu’elle m’avait trouvé changé. Mais que devait importer entre nous cette première impression mensongère ? — Pour moi, craignant de ne plus parfaitement la reconnaître, j’osais d’abord à peine la regarder… Non ; ce qui nous décontenança plutôt, c’était ce rôle absurde de fiancés qu’on nous contraignait d’assumer, cet empressement de chacun à nous laisser seuls, à se retirer devant nous :

— Mais tante, tu ne nous gênes nullement ; nous n’avons rien de secret à nous dire,