Page:Gide - La Porte étroite, 1909.djvu/183

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
181
la porte étroite

ce serait un gagne-pain. Ce n’est pourtant pas par économie que tu t’astreins à ce travail ingrat ?

Elle m’affirma tout aussitôt qu’aucun ouvrage ne l’amusait davantage, que depuis longtemps elle n’en avait plus fait d’autres, pour quoi sans doute elle avait perdu toute habileté… Elle souriait en parlant. Jamais sa voix n’avait été plus douce que pour ainsi me désoler. « Je ne dis là rien que de naturel, semblait exprimer son visage ; pourquoi t’attristerais-tu de cela ? » — Et toute la protestation de mon cœur ne montait même plus à mes lèvres, m’étouffait.


Le surlendemain, comme nous avions cueilli des roses, elle m’invita à les lui porter dans sa chambre où je n’étais pas encore entré cette année. De quel espoir aussitôt me flattai-je ! Car j’en étais encore à me reprocher ma tristesse ; un mot d’elle eût guéri mon cœur.

Je n’entrais jamais sans émotion dans cette