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la porte étroite

Je vis ses lèvres pâles trembler ; d’une voix presque indistincte elle murmura :

— Non ; non ; ceci n’a pas changé dans Alissa.

— Mais alors rien n’aurait changé, dis-je en lui saisissant le bras…

Elle reprit plus assurée :

— Un mot expliquerait tout ; pourquoi n’oses-tu pas le dire ?

— Lequel ?

— J’ai vieilli.

— Tais-toi…

Je protestai tout aussitôt que j’avais vieilli moi-même autant qu’elle, que la différence d’âge entre nous restait la même… mais elle s’était ressaisie ; l’instant unique était passé et, me laissant aller à discuter, j’abandonnais tout avantage ; je perdis pied.


Je quittai Fongueusemare deux jours après, mécontent d’elle et de moi-même, plein d’une haine vague contre ce que j’appelais