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la porte étroite

même de l’amour, par quel secret chemin tu nous menas du rire aux pleurs et de la plus naïve joie à l’exigence de la vertu !


L’été fuyait si pur, si lisse que, de ses glissantes journées, ma mémoire aujourd’hui ne peut presque rien retenir. Les seuls événements étaient des conversations, des lectures…

— J’ai fait un triste rêve, me dit Alissa au matin d’un de mes derniers jours de vacances. Je vivais et tu étais mort. Non ; je ne te voyais pas mourir. Simplement il y avait ceci : tu étais mort. C’était affreux ; c’était tellement impossible que j’obtenais que simplement tu sois absent. Nous étions séparés et je sentais qu’il y avait moyen de te rejoindre ; je cherchais comment, et pour y arriver, j’ai fait un tel effort que cela m’a réveillée.

» Ce matin, je crois que je restais sous l’impression de ce rêve ; c’était comme si je le continuais. Il me semblait encore que j’étais