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la porte étroite

un souci d’encourager mon travail, qu’un entraînement de son esprit ; et même il me semblait, tandis qu’appréciations, discussions, critiques ne m’étaient qu’un moyen d’exprimer ma pensée, qu’au contraire elle s’aidât de tout cela pour me cacher la sienne. Parfois je doutais si elle ne s’en faisait pas un jeu… N’importe ! bien résolu à ne me plaindre de rien, je ne laissais dans mes lettres rien percer de mon inquiétude.


Vers la fin de décembre, nous partîmes donc pour le Havre, Abel et moi.

Je descendis chez ma tante Plantier. Elle n’était pas à la maison quand j’arrivai. Mais à peine avais-je eu le temps de m’installer dans ma chambre, qu’un domestique vint m’avertir qu’elle m’attendait dans le salon.

Elle ne se fut pas plus tôt informée de ma santé, de mon installation, de mes études que, se laissant aller sans plus de précautions à son affectueuse curiosité :

— Tu ne m’as pas encore dit, mon enfant,