Page:Gide - Le Journal des Faux-monnayeurs 1926.djvu/139

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plus vrai. Ainsi j’allais écrire : j’ai le goût de la volupté, mais, il faut bien que je me l’avoue, l’amour m’ennuie. Et je songe aussitôt que ce qui m’ennuie dans l’amour, c’est la romance, le long diffèrement du plaisir, les petits soins, les minauderies, les protestations, les serments… Car, amoureux, je le suis sans cesse, et de tout, et de tous. Ce qui me déplairait, ce serait de ne l’être plus que de quelqu’un.

Ce besoin que j’ai de bouger, de rendre service, d’où jaillit la plus claire source de mon bonheur, et qui me fait sans cesse préférer autrui à moi-même, n’est peut-être, après tout, qu’un besoin de m’échapper, de me perdre, d’intervenir et de goûter à d’autres vies. Assez parler de moi. Sans Édouard je n’en aurais jamais tant dit.

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