Page:Gide - Le Journal des Faux-monnayeurs 1926.djvu/142

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ment, et voilà ce qui me chiffonne : tandis qu’on ne peut servir Dieu qu’en croyant en Lui, le diable, lui, n’a pas besoin qu’on croie en lui pour le servir. Au contraire, on ne le sert jamais si bien qu’en l’ignorant. Il a toujours intérêt à ne pas se laisser connaître ; et c’est là, je vous dis, ce qui me chiffonne : c’est de penser que, moins je crois en lui, plus je l’enforce.

Ça me chiffonne, comprenez-moi bien, de songer que c’est précisément là ce qu’il désire : qu’on ne croie pas en lui. Il sait bien comment faire, allez, pour s’insinuer dans nos cœurs, et qu’il n’y peut entrer d’abord qu’inaperçu.

J’ai beaucoup réfléchi à cela, je vous assure. Évidemment, et malgré tout ce que je viens de vous dire, en parfaite sincérité je ne crois pas au démon. J’en prends tout ce qui en est comme une

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