Page:Gide - Le Journal des Faux-monnayeurs 1926.djvu/88

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l'autre. (Ils cherchent à savoir mon opinion. Mon opinion, je n'en ai cure, je ne suis plus quelqu'un, mais plusieurs — d'où ce reproche que l'on me fait d’inquiétude, d'instabilité, de versatilité, d'inconstance.) Pousser l'abnégation jusqu'à l'oubli de soi total.

(Je disais à Claudel, certain soir que son amitié s'inquiétait du salut de mon âme :

— Je me suis complètement désintéressé de mon âme et de son salut.

— Mais Dieu, répondait-il, Lui, ne se désintéresse pas de vous).

De même dans la vie, c'est la pensée, l'émotion d'autrui qui m'habite; mon cœur ne bat que par sympathie. C'est ce qui me rend toute discussion si difficile. J'abandonne aussitôt mon point de vue. Je me quitte et ainsi soit-il.

Ceci est la clef de mon caractère et de