Page:Gide - Le Journal des Faux-monnayeurs 1926.djvu/99

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de les connaître, et c'est d'après ce qu'il leur entend dire qu'il comprend peu à peu qui ils sont. J'ai ajouté : les regarde agir — car, pour moi, c'est plutôt le langage que le geste qui me renseigne, et je crois que je perdrais moins, perdant la vue, que perdant l'ouïe. Pourtant je vois mes personnages; mais non point tant leurs détails que leur masse, et plutôt encore leurs gestes, leur allure, le rythme de leurs mouvements. Je ne souffre point de ce que les verres de mes lunettes ne me les présentent pas tout à fait « au point »; tandis les que moindres inflexions de leur voix, je les perçois avec la netteté la plus vive.

J'ai écrit le premier dialogue entre Olivier et Bernard et les scènes entre Passavant et Vincent, sans du tout savoir ce que je ferais de ces personnages, ni qui ils étaient. Ils se sont imposés à moi,