Page:Gide - Le Voyage d’Urien, Paludes.djvu/169

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Puis aussitôt j'en voulus à Richard de ma stupide réponse. Lui se tut, craignant notre ignorance. Je pensai : il devrait éclater de rire. Il n'ose pas. Sa pitié m'est insupportable. Évidemment il me trouve absurde. Il me cache ses sentiments pour m'empêcher d'en manifester à son égard de semblables. Mais nous savons que nous les avons. Nos réciproques estimes se maintiennent en respect, l'une contre l'autreaccotée; il n'ose pas m'enlever la sienne, craignant qu'aussitôt la mienne ne retombe. Il a pour moi des affabilités protectrices... Ah! tant pis; je raconte Paludes - et je commençai doucement :

« Comment va votre femme? »

Richard aussitôt racontant tout seul continua :

« Ursule? Ah! la pauvre amie! Ce sont ses yeux à présent qui sont fatigués - par sa faute; -vous raconterai-je, cher ami, ce que je n'aurais dit à personne? - Mais je connais votre discrète amitié. - Voici l'histoire tout entière. Édouard, mon beau-frère, avait un grand besoin d'argent; il fallait en trouver. Ursule savait tout, car Jeanne sa belle-soeur était venue la trouver