Page:Gide - Le Voyage d’Urien, Paludes.djvu/33

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hommes du bord qui nous méprisent un peu, lorsqu’en se regardant ils oublient qu’eux sont les passagers et que ces choses-là demeurent ― pareilles derrière notre fuite.

Aspects changeant des massifs de falaises, et les promontoires allongés qui chavirent ― berges ! métamorphoses des berges ― nous savons maintenant que vous restez ; c’est en passant que l’on vous voit passantes, et votre aspect change par notre fuite, malgré votre fidélité. ― Le veilleur de nuit signale des navires. Nous, penchés sur les flots depuis le soir jusqu’au lever du jour, nous apprenons à discerner les choses qui passent entre les îles éternelles.


Cette nuit, nous avons parlé du passé ; nul de nous ne savait comment il avait pu venir jusqu’au navire, mais nul ne regrettait l’amère nuit de pensées. De quel obscur sommeil me suis-je éveillé, dit Alain, de quelle tombe ? Je ne cessais pas de penser, et je suis encore malade ; ô nuit orientale et calmée, enfin reposeras-tu ma tête lasse de penser