Page:Gide - Les Limites de l’art, 1901.djvu/22

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Ce terrain neutre vers lequel, faisant volte-face, il nous faut toujours à nouveau retourner, vous savez bien, Messieurs, que c’est simplement la Nature… Ah ! Messieurs, vais-je donc vous parler moi aussi, de ce fameux retour à la nature ? dont il semble, à entendre certains, que ce soit l’unique secret de tout art, et que l’on ait tout dit, disant cela !

Retour à la nature !… mais qu’est-ce dire ? À quoi d’autre peut-on retourner ? Que trouver hors de soi sinon sans cesse et partout la nature ? Mais que trouver en soi, sinon la nature aussi bien ?


Le vrai retour à la nature, Messieurs, c’est le définitif retour aux éléments : la mort. Mais, tant qu’il reste à l’homme encore un peu de volonté de vie, un peu d’être, n’est-ce donc pas pour lutter contre ? et n’est-ce pas, artiste, pour s’opposer à la nature et s’affirmer ?

Comment, pourquoi, ne pas comprendre que ces deux « naturels » — extérieur et intime — s’opposent, et que c’est selon celui-ci que celui-là se façonne et s’informe. Ce naturel intime a-t-il