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Page:Gide - Les Limites de l’art, 1901.djvu/23

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donc moins de valeur que l’autre et va-t-on lui refuser ce droit, ou lui dénier ce pouvoir, sans lequel l’œuvre d’art n’est plus — ou prétend-on que tout l’art ne soit donc plus que réalisme ?

Cette opinion, formulée en tout son excès, n’a personne pour la défendre, je l’espère ; mais n’est-ce pas là qu’on en vient en disant que l’artiste doit être absent de son œuvre, que l’objectivation est une des conditions de l’art ; de sorte que s’il était possible d’atteindre le but proposé, toute personnalité s’effaçant devant la chose représentée, une œuvre ne différerait plus d’une autre que par le sujet relaté, et l’artiste se serait enfin satisfait pour avoir assuré la durée à quelque vaine contingence — à moins que, trop peu désireux d’éterniser n’importe quoi, il choisisse… mais de quel droit même le choix ? Et qu’appelle-t-on « interprétation » sinon ensuite un choix encore, plus subtil et plus détaillé, qui, comme le choix du « sujet », vient toujours indiquer, sinon ma volonté, du moins ma préférence…

Ah ! ne pensez-vous pas, Messieurs, qu’il convient de faire de ce choix même, de cette instinctive puis volontaire préférence, l’affirmation même de l’art, — de l’art qui n’est point dans la nature, de l’art qui n’est point naturel, l’art que l’artiste seul impose à la nature, impose difficilement.


Mais ici précisons encore :