Page:Gide - Les Nourritures terrestres.djvu/103

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Il y en a dont on ferait des confitures
Rien qu’à les laisser cuire au soleil.
Il y en a dont la chair malgré l’hiver demeure sure ;
De les avoir mordus les dents sont agacées.

Il y en a dont la chair paraît toujours froide, même l’été.
On les mange accroupi sur des nattes,
Au fond de petits cabarets.

Il y en a dont le souvenir vaut une soif
Dès qu’on ne peut plus les trouver.


*


Nathanaël, te parlerai-je des grenades ?

On les vendait pour quelques sous, à cette foire orientale
Sur des claies de roseaux où elles s’étaient éboulées.
On en voyait qui déroulaient dans la poussière
Et que des enfants nus ramassaient.
— Leur jus est aigrelet comme celui des framboises pas mûres.
Leur fleur semble faite de cire ;
Elle est de la couleur du fruit.

Trésor gardé, cloisons de ruches,
Abondance de la saveur,
Architecture pentagonale.
L’écorce se fend, les grains tombent —
Grains de sang dans des coupes d’azur ;
Et d’autres, gouttes d’or, dans des plats de bronze émaillé !