Page:Gide - Les Nourritures terrestres.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
*

La seconde porte est celle des greniers :

Monceaux de grains, je vous louerai — mes fermes sont closes ! — Céréales ; blés roux : richesse dans l’attente, inestimable provision. — Que notre pain s’épuise ! Greniers, j’ai votre clef. Monceaux de grains, vous êtes là. Serez-vous tous mangés avant que ma faim ne se lasse ? — Dans les champs les oiseaux du ciel, dans le grenier les rats — et tous les pauvres à nos tables… En reste-t-il jusqu’au bout de ma faim… ? — Grains, je garde de vous une poignée ; je la sème en mon champ si fertile ; je la sème en la bonne saison ; un grain en produit cent, un autre mille… Grains ! où ma faim abonde, grains ! vous aurez surabondé ! — Blés qui poussez d’abord comme une petite herbe verte, dites quel épi jaunissant portera votre tige courbée ! — Chaume d’or, aigrettes et gerbes — poignée de grains que j’ai semés…

*

La troisième porte est celle de la laiterie :

Repos ; silence ; égouttement sans fin des claies où les fromages se rétrécissent ; tassement des mattes dans les manchons de métal ; par les jours de grande chaleur de juillet, l’odeur du lait caillé paraissait plus fraîche et plus fade… non, pas fade : — mais d’une âcreté si discrète et si délavée qu’on ne la sentait qu’au fond des narines et déjà plus goût que parfum.

Baratte qu’on entretient de la plus grande propreté. Petits pains de beurre sur des feuilles de choux ; — mains