Page:Gide - Les Nourritures terrestres.djvu/203

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avez rempli notre bouche d’une fadeur empoisonnée et vous avez profondément troublé notre âme. — Heureux, qui, jeune encore, a mordu votre chair encore sure et sucé, figues, votre lait parfumé d’amour, sans plus attendre… pour courir après, rafraîchi, sur la route — où nous achèverons nos pénibles journées.

(Certes j’ai fait ce que j’ai pu pour empêcher l’usure atroce de mon âme ; mais ce ne fut que par l’usure de mes sens que je pus la distraire de son Dieu ; elle s’en occupait toute la nuit et tout le jour ; elle s’ingéniait à de difficiles prières ; elle se consumait de ferveur.)

De quel tombeau me suis-je évadé ce matin ? — (Les oiseaux de la mer se baignent, étendant leurs ailes.) Et l’image de la vie, ah ! Nathanaël, est pour moi : un fruit plein de saveur sur des lèvres pleines de désir.


Il y a des nuits où l’on ne pouvait pas s’endormir.

Il y avait de grandes attentes — des attentes on ne savait souvent pas de quoi — sur le lit où