Page:Gide - Les Nourritures terrestres.djvu/52

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Je ne goûte pas une joie que je ne l’y veuille attachée. »

— « Cela l’augmente-t-il ? »

— « Non, dis-je, cela me la légitime. »

Certes, il m’a plu souvent qu’une doctrine et même qu’un système complet de pensées ordonnées justifiât à moi-même mes actes ; mais parfois je ne l’ai pu considérer que comme l’abri de ma sensualité.

Toute chose vient en son temps, Nathanaël, et chacune naît de son besoin, et n’est pour ainsi dire qu’un besoin extériorisé.

J’avais besoin d’un poumon, m’a dit l’arbre ; alors ma sève est devenue feuille, afin d’y pouvoir respirer. Puis quand j’eus respiré, ma feuille est tombée, et je n’en suis pas mort… Mon fruit contient toute ma pensée sur la vie.

Nathanaël, ne crains pas que j’abuse de cette forme d’apologue, car je ne l’approuve pas beaucoup. Je ne veux t’enseigner d’autre sagesse