Page:Gide - Les Nourritures terrestres.djvu/53

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que la vie. Car c’est un grand souci que de penser. Je me suis fatigué quand j’étais jeune à suivre au loin les suites de mes actes et je n’étais sûr de ne plus pécher qu’à force de ne plus agir.

Puis j’écrivis : Je ne dus le salut de ma chair qu’à l’irrémédiable empoisonnement de mon âme — puis je ne compris plus du tout ce que j’avais voulu dire par là.

Nathanaël — je ne crois plus au péché.

Mais tu comprendras que ce n’est qu’avec beaucoup de joie qu’un peu de droit à la pensée s’achète. — L’homme qui se dit heureux et qui pense, celui-là sera appelé vraiment fort.

Nathanaël, le malheur de chacun vient de ce que c’est toujours chacun qui regarde et qu’il s’importe toujours plus que les choses. Ce n’est pas pour nous, c’est pour elle que chaque chose est importante. Que ton œil soit la chose regardée.