Page:Gide - Les Nourritures terrestres.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que se grossir. Mais non : j’en observais tous les flocons un à un disparaître ; — il ne restait plus que de l’azur. C’était une mort merveilleuse ; un évanouissement en plein ciel.

Rome, Monte Pincio.

Ce qui fit ma joie ce jour là, c’est quelque chose comme l’amour — et ce n’est pas l’amour — ou du moins pas celui dont parlent et que cherchent les hommes. — Et ce n’est pas non plus le sentiment de la beauté. Il ne venait pas d’une femme ; il ne venait pas non plus de ma pensée. Écrirai-je, et me comprendras-tu si je dis que ce n’était là que la simple exaltation de la LUMIÈRE ?

J’étais assis dans ce jardin ; je ne voyais pas le soleil ; mais l’air brillait de lumière diffuse — comme si l’azur du ciel devenait liquide et pleuvait. Oui vraiment, il y avait des ondes, des remous de lumière ; sur la mousse des étincelles comme des gouttes ; oui vraiment, dans cette grande allée on eût dit qu’il coulait de la lumière, et des écumes dorées restaient au bout des branches de ce ruissellement de rayons.